L'amour Sauvage



- Donne-la-moi !

- Non ! Elle est � moi !

- Tu en as des tas, esp�ce de b�b�, donne-moi cette poup�e !

- Je vais le dire � maman !

  La petite fille en larme se vit arracher sa magnifique poup�e par sa grande s�ur. Celle-ci se mit � narguer sa cadette.

- B�b� ! Ce n'est pas juste que tu aies une poup�e plus belle que la mienne. Maman et papa t'aiment plus que moi, je le sais.

- C'est pas vrai, Cathy. C'est toujours toi qui as tout.

- Tu crois ? Et bien, ce n'est pas moi que maman appelle son amour. Moi, c'est Cathy tout court. Ce n'est pas moi que papa prend sur ses genoux et raconte des histoires le soir. Tu as pris ma place, je te d�teste !

  Elle tourna les talons et rentra en courant, laissant la petite Marian en pleurs pr�s de la balan�oire.

  Cathy n'en pouvait plus de se faire piquer l'amour de ses parents par cette sale morveuse. En public, elle �tait pourtant un ange avec sa jeune s�ur, s'attirant toujours les compliments. Mais elle n'�tait plus le centre d'attraction et cela la f�chait. Elle aurait bient�t huit ans, soit quatre de plus que Marian, assez pour se rappeler qu'avant, c'�tait elle la pr�f�r�e. Elle d�cida que s�en �tait assez, elle se vengerait.

  Deux jours s'�coul�rent sans qu'il y ait aucune dispute entre Cathy et Marian. L'a�n�e s'arrangeait pour qu'on croie qu'elles s'aiment. Un apr�s-midi, elle obtint la permission de ses parents pour aller se promener avec Marian. Elle la prit par la main et elle se dirig�rent vers la for�t. On ne les revit jamais plus.

  Ils avaient l'air tellement heureux. La belle jeune femme tenait son petit gar�on dans ses bras et ils riaient. Sortant du hangar, un bel homme muscl� et bronz� les rejoignit. Ils s'enlac�rent et emprunt�rent le petit chemin de terre derri�re la maison. Cach�e derri�re la barri�re des arbres, une cr�ature les observait. Ses yeux bleus brillaient d'envie. Elle les suivit un instant le long du chemin puis s'enfon�a dans les bois.

  Nick Anders appris la maladie de sa femme un soir d'�t�, alors qu'il �tait trop tard pour faire quoi que se soit. Dans un mois ou deux, il allait la perdre pour toujours. Il ne croyait pas pouvoir s'en remettre et pourtant, lorsqu'il l'eut vu mourir des semaines plus t�t que pr�vues, lorsqu'il eut port� son cercueil en terre et consol� son fils de deux ans, il y avait encore en lui la force n�cessaire de continuer seul. Les ann�es qui suivirent furent consacr�es � son travail d'�crivain et � Dany qui grandissait vite et bien. Il semblait devoir devenir fort comme son p�re que �a enchantait. Nick ne pensait presque plus � sa d�funte �pouse et il ramenait parfois des femmes � la maison. Il songeait m�me � se marier pour donner une m�re � Dany. Il n'allait cependant plus dans le chemin de terre car une pr�sence invisible le guettait et le mettait mal � l'aise. Il croyait que c'�tait sa Cora qui revenait le hanter. Il ne se doutait pas que loin d'�tre un fant�me, la pr�sence en question �tait de chair et d'os et observait sa vie depuis pr�s de six ans, cach�e dans la for�t.

  La cr�ature errait, presque nue et tr�s sale. Ses longs cheveux crasseux pendaient en m�ches raides de chaque c�t� de son visage. C'�tait une jeune femme, un �tre sauvage et seul, terriblement seul. Elle avait depuis longtemps �lu domicile dans la for�t, survivant gr�ce � des fruits et des racines. Elle buvait l'eau des ruisseaux et de la pluie et bien vite appris que les insectes �taient tr�s nourrissants. En vieillissant, elle appris � chasser. Elle allait pr�s des habitations parfois et se procurait des objets divers comme des bouts de m�tal ou encore du linge mit � s�cher sur la corde. Lorsque quelqu'un s'approchait, elle se sauvait. Elle avait peur de ces gens, elle se sentait en danger parmi eux. Lorsqu'elle avait vu cette maison � l'or�e du bois, quand elle avait vu cette femme qui ressemblait � sa m�re mais en beaucoup plus jeune, elle avait failli se montrer. L'homme �tait alors apparut, l'effrayant. Bien vite cependant, � force de l'observer, elle en tomba amoureuse, sans savoir ce qu'�taient cette dr�le de sensation dans tout son corps, cette chaleur qui l'enveloppait et ce tiraillement dans son ventre. Elle devint presque jalouse de la femme et lorsqu'elle comprit qu'elle ne la reverrait plus, elle fut triste pour l'homme. Il s'�coula bien des jours de solitude avant qu'elle se d�cide � se montrer.

  Un jour, Nick vit surgir son fils dans le hangar o� il r�parait une vieille tondeuse � gazon. Dany criait et pleurait. Alarm�, Nick le prit par les �paules et chercha des traces de blessures tout en essayant de calmer le gar�on.

-Dany, bon sang, cesse de crier ainsi je ne comprends rien. Que s'est-il pass�, es-tu bless� ?

- Papa, il... il y a un mon... mon.. monstre dans le chemin!

- Un monstre ? Allons donc, Dany boy, tu es assez vieux pour savoir que les monstres, �a n'existe pas.

- Viens voir, c'est vraiment un monstre ! J'te l'jure !

  D�cidant que l'enfant n'�tait pas terroris� pour rien, il d�cida d'aller voir, pensant � une quelconque b�te sauvage. Il alla d'abord chercher une carabine dans la maison et s'engagea dans le chemin, son fils derri�re lui. Dans un tournant, il vit une forme en travers de la route et arma son fusil. Comme la cr�ature fit un geste vers eux, il visa et tira dans sa direction. La cr�ature fit un bond en arri�re et tomba sur le c�t�, tenant son bras. Rechargeant son arme, Nick s'avan�a vers la forme g�missante.

- Fait attention, p'pa, il est peut-�tre dangereux.

  Lorsqu'il vit ce qu'il avait bless�, le souffle lui manqua. Il baissa son fusil et se pencha sur la jeune femme. Elle avait les deux yeux ferm�s et perdait son sang par la blessure au bras qu'il lui avait inflig�e. Il la prit en travers de son �paule et la ramena chez lui suivit par un gar�on �tonn� et craintif.

  Elle ouvrit les yeux et regarda autour d'elle, totalement perdue. Lorsqu'elle eut reconnu l'int�rieur d'une maison, elle se leva d'un bon et chercha une sortie. Un homme entra alors dans la pi�ce et essaya de l'attraper. Il appela Nick et � deux ils parvinrent � l'acculer dans un coin o� elle se blottit comme un animal traqu�, les yeux fous de terreur. S'agenouillant devant elle, Nick lui parla doucement, les mains dans un geste d'apaisement.

- Ne craint rien, nous ne te voulons aucun mal. C'est un m�decin, il va soigner ta blessure.

  Elle regarda son bras envelopp� dans un bandage puis regarda Nick. De l'incompr�hension se lisait dans son regard. Mal � l'aise, le bel homme passa sa main dans ses cheveux dor�s et tenta d'expliquer qu'il l'avait prise pour un animal sauvage. Il approcha la main et r�ussit � lui toucher l'�paule. Fixant son regard dans le sien, il l'aida � se lever et l'amena jusqu'au petit lit de camps. Elle s'assit lentement, sans quitter des yeux les deux hommes qui la laiss�rent seule, fermant la porte derri�re eux.

  Elle passa deux jours entiers dans la petite pi�ce, touchant � peine � la nourriture qu'on lui apportait. Elle regrettait de s'�tre montr�e � l'enfant mais il lui avait sembl� que les enfants comprennent toujours mieux. Elle avait voulu s'en faire un ami et �tait rest�e surprise lorsqu'il s'�tait sauv� d'elle en hurlant. Elle ne comprenait pas trop pourquoi, elle n'�tait pourtant qu'une petite fille... Elle souhaitait maintenant retourner dans la for�t et oublier que l'homme lui avait fait mal.

  Le lendemain matin, lorsque Nick vint lui porter � manger, elle se d�p�cha de sortir par la porte rest�e ouverte. Elle trouva la porte et sorti, l'homme � ses trousses. Soudain, un �norme chien jaillit de nulle part et se planta devant elle, bavant et montrant ses crocs. Elle cria et recula jusqu'� heurter Nick. Il l'entoura de ses bras et ordonna au chien de se taire. Dany, ayant entendu les cris et les aboiements, arriva en courant et prit son chien par le collier. Il le ramena � sa niche et l'attacha avec une grosse corde.

- Calme-toi, petite, c'est fini. Je suis l�, n'aie pas peur.

   Elle s'accrochait � lui de toutes ses forces, cachant son visage dans le creux de son �paule. Il la serrait dans ses bras en la ber�ant. Elle sanglotait vraiment comme une enfant et le chien l'avaient vraiment effray�e, � un tel point qu'elle en avait oubli� sa peur premi�re. Elle se calma enfin mais resta contre Nick. Elle leva son visage brouill� de larmes vers lui, puis chercha le chien du regard. Nick commen�ait � �tre troubl� par ce contact intime, par ce corps de femme presque nue se pressant contre le sien. Il la d�tacha de lui et essuya ses yeux. Entourant ses �paules, ils rentr�rent, la jeune femme jetant un dernier regard vers la for�t.

  Elle ne souhaitait plus partir, maintenant, pas apr�s le sentiment de protection que lui avait procur� le contact du corps muscl� de Nick. Ils l'avaient laiss�e libre de circuler dans la maison, comprenant qu'elle ne leur ferait pas de mal. Elle avait choisit le sous-sol et restait l� souvent, dans une sorte de salle am�nag�e en appartement. Il y avait une minuscule salle de bain avec une toilette et une douche. Elle se rappelait comment s'en servir mais ne voyait pas l'utilit� de se laver, jusqu'� ce qu'elle se rendit compte que son apparence semblait les repousser. Un soir, elle d�couvrit un miroir dans la salle de bain du haut o� elle n'�tait jamais all�e auparavant. Elle recula de surprise puis observa son visage dans la glace. Elle en suivit les contours du bout des doigts, boulevers�e. Dans sa t�te, elle avait encore son visage d'enfant. Elle savait qu'elle avait grandit, que son corps avait chang� mais elle n'avait jamais r�alis� qu'elle avait cette apparence pour les autres. Elle constata la crasse qui la recouvrait et se rendit compte avec honte qu'elle �tait repoussante. Elle remarqua � peine que Nick l'observait depuis un bon moment et elle courut � la cave. Les larmes aux yeux, elle �ta ses haillons et entra dans la douche sans fermer le rideau. Elle chercha un instant comment faire couler l'eau et un jet surgit du pommeau de la douche. Elle r�gla la temp�rature et prit la savonnette pos�e sur une tablette. Elle se frotta vivement, se lava jusqu'� ce que sa peau redevienne blanche, l'eau sale coulant entre ses seins et sur son ventre avant d'�tre aval�e par les tuyaux. Du shampooing semblait l'attendre sur la tablette et elle se lava aussi les cheveux, faisant beaucoup trop de mousse. Elle rin�a ensuite son corps et resta sous le jet d'eau puissant, profitant de sa bienfaisante chaleur. Elle remarqua soudain que Nick la regardait. Il �tait torse nu et ses yeux brillaient. Il fut �tonn� qu'elle ne cherche pas � se cacher de lui, � camoufler sa nudit�. Il jugea qu'elle ne devait pas avoir plus d'une vingtaine d'ann�es et son corps �tait bien fait. Elle �tait mince, ses courbes sensuelles appelaient les caresses. Il �tait si pr�s qu'il pouvait sentir l'odeur du savon sur sa peau. Les pointes de ses seins �taient dress�es et il tendit la main pour les sentir entre ses doigts. Elle respirait fort, la bouche entrouverte. Il d�fit son pantalon et entra dans la douche avec elle. Il ferma le rideau et il commen�a de la caresser. Ses mains courraient sur son corps parcouru de frissons de plaisirs et la pointe de sa langue embrasait chaque parcelle de sa peau. Elle n'avait pas peur, m�me si elle ne comprenait pas ce qu'il faisait. Elle osa timidement toucher � son tour le torse muscl� de Nick. Il l'embrassa sur la bouche, m�la sa langue � la sienne, avec passion. Elle fut surprise mais r�pondit bien vite � son baiser. Puis, d'un seul bras, il la souleva et entra en elle lentement, lui arrachant un petit cri. Elle s'accrocha � lui en lui tenant les �paules, entourant sa taille de ses jambes fines. Il l'appuya sur le mur. L'eau ruisselait sur leurs corps r�unis. Il lui fit l'amour avec ardeur, sans un mot, leurs souffles s'emm�lant. Elle caressait ses �paules bronz�es et nouait ses mains derri�re sa nuque, jouant dans ses cheveux mouill�s. Elle aimait ce qu'il lui faisait, La mani�re dont il bougeait en elle. Elle sentit soudain le souffle de Nick s'acc�l�rer et quelque chose de chaud jaillit au fond d'elle. Il ne bougea plus, appuyant sa t�te contre sa poitrine. Elle sentit son excitation se calmer. Nick se retira doucement, l'embrassa encore puis, s'�tant lav� rapidement, il sortit de la douche et prit ses v�tements. Il remonta en haut sans la regarder. Elle se lava aussi, ferma les robinets et se pr�cipita sur un vieux canap�, essayant de se rappeler toutes les sensations ressenties. Elle s'endormit le sourire aux l�vres.

  Dans son lit, Nick ne parvenait pas � trouver le sommeil. Il avait honte de ce qu'il venait de faire. Il s'�tait comport� comme une b�te, un macho. Il �tait en manque, d'accord, �a faisait pr�s d'un an qu'il n'avait pas fait l'amour. Cora n'aurait pas �t� fi�re de lui, c'est s�r. Il repensait sans cesse � la mani�re dont il avait pris cette pauvre fille si innocente, si douce. Il avait d� la traumatiser. Comme elle avait r�pondu � ses caresses... Non, il ne devait plus y penser. Son acte �tait inexcusable. Il se dit soudain qu'elle �tait nue, en bas, Dany pourrait la trouver. Il se leva, fouilla dans un placard et trouva un chandail et un vieux pantalon parmi les effets de Cora dont il n'avait pu se d�faire. Il alla au sous-sol et eu un choc en la voyant endormie : elle �tait si belle. Il posa les v�tements � ses c�t�s, prit une couverture dans un placard et la couvrit. Il regagna sa chambre � la h�te.

  Le lendemain matin, lorsque la jeune femme les rejoignit � la cuisine, Nick baissa les yeux sur son d�jeuner. Dany la regarda et s'�cria :

- Eh, elle est toute propre ! Elle porte les v�tements de maman ! Papa, t'as vu ?

- J'ai vu, Dan, c'est moi qui les lui ai donn�s.

- Dis donc, elle est belle, hein papa ?

- Tr�s. Fini ton d�jeuner, l'autobus scolaire sera bient�t l�.

  Elle avait rougit sous le compliment de Dany, songea Nick en observant discr�tement l'arrivante. Celle-ci restait � l'�cart, g�n�e, n'osant pas trop regarder Nick. Quand le gar�on de huit ans f�t parti � l'�cole, elle s'approcha de la table et s'assit � l'oppos� de l'homme, sur le bord d'une chaise, les mains sur les genoux. C'�tait un comportement inhabituel de sa part, aussi Nick l'interrogea du regard. Elle joua distraitement avec le pot de lait. Lorsque l'homme se leva enfin et s'approcha d'elle, elle eut un mouvement de recul mais resta assise. Elle se demandait ce qu'il allait faire cette fois, s'il allait faire la m�me chose que dans la douche. Elle attendait, pas certaine de vouloir recommencer maintenant, m�me si �a lui avait plu. Il ne fit que s'agenouiller � ses c�t�s, lui prenant la main.

- Tu sais, ce qu'on a fait ensemble hier soir, c'�tait dangereux. Je veux dire qu'on n'a prit aucune pr�caution. Enfin, ce n'est pas seulement �a... Dieu que c'est difficile � expliquer, je ne sais m�me pas si tu me comprends. C'�tait mal, on n'aurait... je n'aurais pas d�. Je regrette si je t'ai effray�e ou si je t'ai fait mal. Voil�, �a n'arrivera plus.

  Il ne put dire si c'�tait de la d�ception ou de l'incompr�hension qu'il lisait dans son visage. Elle parut r�fl�chir un moment puis se leva et se dirigea vers la porte d'entr�e. Elle l'ouvrit, regarda autour si le chien �tait l�. Elle h�sita.

- Tu peux t'en aller, tu n'es pas prisonni�re. En fait, ce serait mieux si tu partais. Je ne sais pas ce qu'a �t� ta vie, ni pourquoi tu habite la for�t, je sais juste que nous ne pouvons pas communiquer. Part.

  Elle se tourna vers lui, des larmes mouillant ses joues. Elle sortit rapidement et s'enfuit dans les bois.

  Le soir, avant de s'endormir, elle songeait au bonheur qu'elle avait eu avec Nick et Dany. Le petit gar�on avait �t� gentil, il lui avait expliqu� des tas de choses qu'elle ne savait pas, il avait jou� quelques fois avec elle, comprenant sa solitude et son ignorance. Nick, si doux, lui manquait tant, ses mains sur son corps, lui dans elle, sans qu'elle ne sache trop comment. Il l'avait chass�e et maintenant elle �tait malade et elle ne pouvait pas revenir. Le matin, elle avait des naus�es et des crampes, comme lorsque que le sang coulait entre ses jambes. Mais il n'y avait pas de sang, et �a l'inqui�tait. Le temps passa, les jours se suivaient sans diff�rences, les naus�es s'estomp�rent mais le sang ne revint pas. Elle entreprit de construire une cabane, un abri de branches et de planches trouv�es dans une cour. En assemblant deux bouts de bois elle s�y enfon�a un clou dans la main. Elle hurla de douleur, arracha le clou, cria de plus belle. Sa blessure �tait affreuse et elle ne savait pas comment la soigner. Jusqu'� maintenant, elle n'avait souffert que d'�gratignures et de la blessure que Nick lui avait faite. �a lui fit penser au docteur qui lui avait fait un bandage et d�cida que le trou dans sa main justifiait qu'elle retourne chez lui, entourant sa main dans un bout de chandail. Elle perdit du sang en chemin et lorsqu'elle arriva dans le chemin de terre derri�re la maison de Nick, elle fut prise d'�tourdissement.

  Dany vit la femme surgir de la for�t, tenant sa main contre elle. Il courut avertir son p�re qui se pr�cipita vers elle aussit�t qu'il l'aper�u. Il examina la blessure sale et infect�e et l'amena en ville voir le m�decin. Celui-ci l'examina � son tour, lava la plaie, la d�sinfecta et la banda. Il prit ensuite des prises de sang pour voir si elle n'avait pas contact� le t�tanos, une maladie transmise dans le sang par du m�tal rouill�. Vu l'�tat g�n�ral de sa patiente et apr�s ce que Nick Anders lui avait dit sur elle, il d�cida de lui faire un examen g�n�ral. Comme elle ne parlait pas, il lui posa des questions auxquelles elle pouvait r�pondre par oui ou non en hochant la t�te. Elle ne voulait pas r�pondre alors il lui dit que si elle ne le faisait pas, �a pouvait �tre dangereux.

- Tu manges de la viande ?

- Oui.

- Tu la manges crue ?

- Non

- Tu manges des fruits ?

- Oui

- Tu te laves des fois ?

- Oui

- Tu as d�j� eu des maladies ?

  Elle h�sita, ne sachant si elle devait lui dire pour les naus�es. Elle d�cida que c'�tait peut-�tre important. Elle mima les vomissements en se tenant le ventre. Elle montra le sang sur son chandail et montra son bas-ventre en faisant non de la t�te.

- Tu n'as plus tes r�gles, c'est �a ? Je crois bien que je vais examiner un �chantillon de tes urines. Je suis tr�s curieux de savoir si mes doutes vont se confirmer.

  Il se demandait en fait si Nick n'avait pas tent� quelque chose avec cette jeune et jolie femme lorsqu'elle �tait chez lui. Sa salet� �tait repoussante mais elle avait du se laver un peu chez Nick. Apr�s tous les examens d'usage et le test de grossesse, il annon�a � sa patiente qu'elle avait une bonne sant� en g�n�ral, malgr� quelques manques de vitamines. Quand il lui dit qu'elle �tait enceinte, elle ne parut pas comprendre.

- Tu as un b�b� dans ton ventre.

  Elle toucha son ventre et �clata de rire. Elle ne le croyait pas. Voyons, comment un b�b� pouvait-il entrer l� ? Tout le monde savait que c'�tait les Indiens qui apportaient les b�b�s. Le docteur avait pourtant l'air s�rieux. Il alla dans la salle d'attente et revint avec Nick.

- Votre prot�g�e est enceinte, Nick. Je suppose que c'est votre �uvre.

- Avortez la, docteur, c'est la seule solution.

- Vous ne voulez pas y r�fl�chir ? L'avortement est ill�gal, vous savez. De plus, elle a son mot � dire, si elle d�cide un jour de parler.

- Elle ne peut pas avoir cet enfant, docteur, elle n'est pas suffisamment responsable.

- Nick...

  Ils se tourn�rent d'un bloc vers elle. Elle avait compris que quelque chose n'allait pas. On voulait d�cider pour elle sans rien lui expliquer et �a lui faisait peur. Elle voulait parler, leur dire qu'elle �tait l�, qu'elle voulait comprendre.

- Nick ? Sa voix �tait h�sitante. J'ai peur.

- N'aie pas peur, je vais tout t'expliquer.

- Qu'est-ce qu'y a dans mon ventre ?

- J'ai mis un b�b� dans ton ventre. �a n'aurait pas du arriver. On va l'enlever et tout sera comme avant.

- L'enlever ? Pourquoi ?

- Parce qu'on ne peut pas le garder.

- Tu veux pas de moi, Nick, tu veux que je parte, tu veux que le b�b� parte.

- Non, �coute, ce n'est pas �a, je voudrais que tu restes, Dany aussi le voudrait. Mais le b�b�, c'est impossible.

- Tu veux tuer mon b�b�, Nick ? Tu voulais me tuer aussi.

  Elle lui montra son bras. Elle venait de comprendre l'histoire de l'enfant dans son ventre. Elle avait surtout comprit qu'il �tait trop petit pour sortir tout de suite. Elle se leva d'un bon et s'enfuit hors de la clinique. Elle courut longtemps, Nick � sa poursuite. Elle vit la for�t au loin et s'y dirigea. L'homme ne la poursuivait plus. Elle ralentit sa course. Elle ne savait pas o� elle �tait. Elle d�boucha soudain dans une clairi�re. Au centre, il y avait une immense racine d'arbre pench�e sur le c�t� avec de la terre et des roches tout autour. �a lui rappelait quelque chose, un endroit qu'elle avait vu, il y a longtemps ; un endroit qu'elle avait �vit� pendant des ann�es. Elle fit le tour du monticule.

  Nick avait perdu sa trace. Il ne pouvait pas la laisser retourner � la vie sauvage dans son �tat. Il fouilla partout, regrettant d�j� d'avoir voulu son avortement. C'�tait pour son bien, mais il se disait que c'�tait aussi son enfant � lui et qu'il pouvait tr�s bien s'en occuper. Cette jeune femme l'avait ensorcel�, il pensait � elle sans arr�t, elle lui avait manqu�. Soudain, il entendit un cri venant de la droite. Il se pr�cipita dans cette direction. Le spectacle qu'il d�couvrit derri�re le monticule lui gla�a le sang. Elle �tait agenouill�e par terre pr�s d'un tas d'ossements et elle parlait toute seule. Il n'entendait pas tr�s bien ce qu'elle disait mais elle semblait s'exprimer comme un enfant, comme si elle suppliait quelqu'un. Lorsqu'il voulut lui entourer les �paules, elle le repoussa.

- Pourquoi tu es f�ch�e apr�s moi ?

  Il crut qu'elle lui parlait mais elle ne faisait m�me pas attention � lui.

  "L�che le couteau, maman ne veux pas qu'on joue avec des couteaux. Cathy, s'il te pla�t, l�che le couteau tu me fais peur. Cathy, vas t-en, Cathy, non !"

  Elle �clata en sanglots. Nick assistait � un drame qui avait eu lieu voici plusieurs ann�es et qui se rejouait en parti devant lui.

- Cathy ? Excuse-moi, Cathy. L�ve-toi maintenant, maman nous attends. Arr�te de jouer, l�ve-toi, l�ve-toi !

  C'�tait assez pour Nick. Il prit la jeune femme par la taille et l'emmena de force avec lui. Elle ne lui r�sista plus et le suivit docilement jusqu'en ville, jusqu'au camion. Une fois � la maison, il la porta dans son lit et s'assit pr�s d'elle. Dany les regardait sans comprendre et il les laissa seuls sur un geste de son p�re.

- Marian, parle-moi, Marian, je veux comprendre.

  Comme pas mal de gens, Nick avait entendu parler de la disparition des deux fillettes des ann�es auparavant. Marian ouvrit les yeux, regarda Nick et commen�a � raconter :

- Elle m'a pris par la main et m'a entra�n�e dans la for�t. Maman ne voulait pas qu'on y aille mais Cathy a dit que ce n'�tait pas dangereux, que je n'�tais que le b�b� � sa maman. Elle �tait jalouse de moi. Elle a sorti un gros couteau de sa manche et l'a mis sur mon c�ur. Elle a dit que j'allais mourir. Je pensais qu'elle jouait mais elle commen�ait � appuyer sur le couteau. �a faisait mal, j'ai eu peur, je l'ai pouss�e. Quand elle a tomb�, �a fait crac et elle ne bougeait plus. J'ai eu peur parce qu'elle avait les yeux ouverts et qu'elle ne voulait plus se lever. Papa m'aurait chican�e, s�rement, et maman ne m'aurait plus aim�e. Je suis partie me cacher. Toute la nuit et toute la journ�e personne n'est venu, j'ai voulu rentrer mais je me suis perdue. Je suis m�chante, j'ai fait mal � Cathy, elle est morte, c'est ma faute.

- Ce n'est pas ta faute, ma ch�rie. Tu n'�tais qu'une enfant. C'�tait un accident, un malheureux accident.

- Un accident ?

- Oui. Ce sont des choses qui arrivent. Je vais prendre soin de toi. Tu verras, je vais prendre bien soin de toi et te donner le bonheur que tu n'as jamais eu.

- Tu ne veux pas mon b�b�.

- J'ai chang� d'id�e, je le veux aussi.

- Nick ?

- Quoi ?

- Fais-moi encore comme l'autre fois.

- Je t'aime.

  La nuit fut longue et leur �treinte passionn�e. Lorsque plus tard ils eurent leur petite fille, Marian insista pour l'appeler Cathy. Ce fut sa mani�re � elle de se racheter. Nick, n'eut jamais � regretter d'avoir �pous� en secondes noces la belle Marian, m�re et belle-m�re exemplaire, �pouse aimante et ma�tresse accomplie. Comme quoi la vie sauvage n'alt�re pas la grandeur d'un c�ur de femme.

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